mardi 14 février 2012

Les rêves assassinés

Quelle force peut-on avoir pour surpasser la mort ?

Quand une personne disparaisse, à jamais, on n’a même plus le pouvoir de rêver, de regarder en avant, c’est juste un vide, un vide pesant, cruel, imposant, lourd…

Quand le destin avait décidé, un jour printanier, il y a de là plusieurs années, sans les prévenir, de les approcher, ils n’avaient fait que se plier, suivre la voie qu’il a pour eux dessiné. Ils avaient fermé les yeux et les oreilles pour se trouver, dans un monde de rêve emportés.

Ils avaient ouvert une porte, rien, aucun n’a pu les arrêter. Ils avaient dessiné un avenir de toutes les couleurs qui, à chaque moment, à chaque instant ne faisait que les emporter vers des mondes parallèles qu’eux même n’ont pas su limiter.

Elle et lui, une histoire qui n’avait jamais du avoir lieu, une liaison qui n’aurait jamais du exister, un amour qu’ils n’ont, pour des longues années, jamais pu surpasser ou éviter. Tout les unissait et tous les séparait, jusqu’à ce que la mort vienne tout basculer et éteindre la dernière chandelle de leur nuit étoilée.

A deux, chacun de son coté, dessinait en rêve des contes de fées.
A deux, les rêves pouvaient un jour devenir réalité.
A deux, ils espéraient, dessinaient, programmaient, rêvaient et rien ne pouvait les arrêter ou mettre des limites à leurs folies partagées.

La vie seule permettait d’espérer, de rêver. La mort, ce n’est qu’une porte fermée, où tout est bloqué, même les rêves qui aident à avancer.

Aujourd’hui elle est seule, le vide l’enveloppe, une nuit d’hiver sans étoile étale sur son corps tremblant un châle sans couleur, sans odeur. Propage en elle l’air glacial d’un rêve inachevé, et chaque fois qu’elle le serre plus sur elle, cherchant dans ses mailles défaites une chaleur perdue, elle se couvre d’un vide plus intense, plus fort et plus profond. Un vide qui touche son intérieur fragile et fragilisé, et le trou de son vide se creuse encore plus jusqu’à disparaitre dans ses fonds.

La mort lui a ôté ses rêves, elle lui a même ôté sa capacité de rêver. La mort l’a privé de ce rayonnement de ses yeux, pour qu’elle devienne l’ombre d’elle-même ou l’ombre de l’épave qu’il a laissé en elle quand il a emporté avec lui le seul fil qui la liait au monde des vivants.

Quand elle était dans la ville des lumières, un soir de juillet, elle était seule à l’attendre mais il n’était jamais venu. Mais elle l’a vu, elle l’a senti, l’a imaginé, vu ses yeux qui l’admiraient, senti sa main qui la serrait, admirait ses lèvres qui l’embrassait. A ce moment, seule sur ce pont, juste avec son imagination, elle était sure qu’il y aura d’autres juillets, et un soir il la serrera fort à lui et toute sa solitude sera oubliée.

Quand elle choisissait les bougies parfumées, et réservait des pétales de roses non fanées, elle avait la certitude qu’elle les allumera un jour, ou peut être une soirée, qu’il tiendra sa main et elle le suivra les yeux fermés. Qu’ils n’auront pas besoin de mots pour se parler, ni de gestes pour s’exprimer, ils seront unis et à jamais.

Quand elle tenait son visage, enlevait ses lunettes qui cachaient son regard où elle adorait se plonger et voir ses reflets. Quand elle voyait les plis sur son front et qu’il essaye de les cacher. Quand elle lisait en lui comme si c’est en elle qu’elle lisait. Quand elle percevait ses peines, quand elle sentait ses chagrins et ses besoins de s’isoler. Quand elle arrivait à dessiner un sourire, à apaiser ses colères et parfois les soulever. Elle rêvait d’un sang unique qui coulait dans leurs deux corps jamais attachés.

Quand elle est allée dans sa ville pour le chercher, pour admirer les routes que chaque jour il sillonnait, pour supplier les étoiles de bien veiller sur lui, pour qu’aucun mal ne puisse le toucher ou même l'effleurer. Elle a espéré mourir, voir son sang s’écouler sous ses pieds et avoir juste son regard comme dernières images dans ses yeux. Sa mort sera la plus paisible, la plus souhaitée tant que c’est la dernière de ses volontés.

Quand ils se sont fixé un rendez vous dans quelques années, ils ont tout prévu. Leur marche sur le sable fin d’une mer désertée, leur valse main dans la main quand la pluie caresserait leur visage éblouis par leur retrouvailles. Sa veste qu’il mettra sur ses épaules quand elle frissonnera de bonheur, et même ce banc, où ils allaient se reposer pour reprendre leur souffle et s’embrasser.

Le jour de son départ, le jour où le destin a choisi de mettre fin à tout ce qu’elle avait dessiné dans ses rêves, elle lui avait tenu la main, elle l’avait senti chaude dans la sienne, ou c’était comme ça qu’elle l’avait imaginé. Elle avait peut être juste fermé les yeux, pour ne voir que ce qu’elle aimait observer, car il avait les yeux ailleurs et elle ne tenait qu’une main de glace que seul son cœur la sentait chauffée. Il s’apprêtait à partir ou sa présence n’était qu’une illusion qu’elle seule percevait, ou elle seule voulait se convaincre que c’est encore vrai, et qu’elle aura le temps de faire d’autres rêves et d’espérer un jour les réaliser. Et le soir, il était parti, le départ final, un adieu qui résonne pour tout arrêter.

Ce soir là, il ne savait pas s’il devait lui demander de le pardonner, pardonner son départ qu’elle seule refusait d’accepter, pardonner son absence dans ses beaux rêves qu’elle aimait façonner comme une enfant. Ou la tenir responsable de son cœur qui avait lâché. Responsable de ne pas savoir le retenir et de garder cette illusion d’amour qui les liait. Responsable de son rosier qui fanait, et la neige qui l’écrasait.

Aujourd’hui elle est seule, elle le perçoit dans chaque recoin de sa vie, dans chaque beau souvenir, dans chaque faut sourire ou le dessin d’un rire. Il est mort mais en elle, elle le gardera pour toujours en vie…

11 commentaires:

  1. Une belle description d'une vie en solitude en vivant un amour éternel ... Même la mort (le départ final) était incapable d’effacer les traces gravés sur le cœur ... lorsqu'une femme aime tout sera possible, la mort sera vaincu par une mémoire chaude vivante et pleines de souvenirs ....

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  2. En lisant l'avant dernier paragraphe je pense que son amant n'est pas mort mais il est dans un statut de mort sauf qu'elle n'accepte toujours pas ce statut.
    Ai-je vu juste illusion?
    Hi hitler.

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    1. Bien vu la hitlérienne :)
      Les morts vivants font beaucoup plus mal car on n'accepte jamais leur statut...

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  3. Pourquoi cette note aussi triste aujourd'hui 14 février jour de Saint valentin?

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    1. C'est dans de telles occasions que les rêves s'éveillent avec tant de souvenirs qui refont surface... Même la mort peut être fêtée parfois... Une folie d'illusions :)

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  4. @ Mehdi
    Les souvenirs donnent une seconde vie à la mort, mais elle assassinent les rêves qui ne seront jamais réalités. Les traces sur le coeur d'une femmes amoureuse sont toujours éternels, est ce le cas pour un homme???

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  5. Fut un temps que je passais par ici, Illusions. J'ai du abandonner ces habitudes cybernétiques de voyeurisme doux et amer pour des raisons x que je trouves nulles et abjectes devant la beauté d'un sentiment partagé . Ce sentiment je le partage avec vous, à cet instant. Écrivez, je vais souvent revenir prendre de vos nouvelles.

    (Hirondelle)

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  6. vous serez toujours la bienvenue Hirondelle

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  7. j'ai souri en lisant ta note :) j'ai moi même écrit sur la mort la veille :) mais d'un autre manière :)
    espérant pour elle que le remède de la vie la guérisse... l'oubli est toujours présent si on en fait bon usage :)

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    1. Elle saura survivre et pourquoi pas vivre en considérant la mort comme une partie de la vie...

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  8. tu m'étonnes encore une fois! j'aurais écrit cette note, mais pas forcément avec le meme talent; tellement que je m'y suis trouvée il y a meme des détails que j'ai presque vécus! c'est trop beau je t'en remercie!

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