jeudi 30 août 2012

Les échos du silence…



Joseph Joubert a dit un jour "Le reflet est pour les couleurs ce que l'écho est pour les sons." Mais il a omis de préciser que le silence a un écho plus fort et plus pesant que tous les sons…

Une histoire muette, sans mots prononcés, sans sons, une histoire de silence en silence…

Son billet d’avion attendait dans son sac depuis deux semaines déjà. Un aller retour et une escapade qui ne durera que vingt heures, elle n’avait pas pu se libérer que pour ce bout de temps.

Un billet d’avion qui avait attendu une confirmation, une confirmation promise et même jurée dans un autre temps. Une confirmation qui n’était jamais venue, c’est le silence de non confirmation.

Le jour venu, elle se retrouve avec son petit sac à la main. Elle n’avait rien comme bagage, sauf son parfum et sa robe couleur aubergine. Elle avait emporté aussi une grande bougie aux senteurs de lavande. Seule sa lueur et sa senteur saurait embellir son voyage.

Son avion avait atterri vers seize heures. Elle savait que personne ne sera là à son arrivée, personne à l’attendre, personne n’affleurera ses joues, personne ne lui souhaitera la bienvenue, personne ne tiendra sa main pour lui faire visiter le grand jardin.

Elle avait traversé seule la foule, observant les rencontres et admirant les cris de joies des retrouvailles. Seule, son sac à la main, ses grandes lunettes noires cachaient ses yeux qui avaient refusé de verser même une larme pour soulager sa solitude, ou pour accompagner son silence dans tout ce vacarme.

La foule se dispersait. Elle était debout seule au milieu de nulle part. Elle n’avait pas voulu penser à ces vingt heures, ni au comment elle allait les passer.

Aucune envie de passer par cette grande porte vitrée. Elle n’avait ni adresse ni lieu où aller. C’est seulement le vide du silence qui l’enveloppait…

Elle voyait le soleil disparaitre, une longue nuit vient de commencer. D’un pas lent elle avançait, s’installa à une table dans un café isolé, et elle demanda son premier expresso.

Des passagers s’attablaient et d’autres partaient. Elle prit sa bougie, alluma son briquet, la lumière tamisée et le parfum doux, l’accompagnaient dans la lecture du livre qu’elle venait d’acheter. Les heures passaient et les pages se succédaient, des mots d’une grande banalité. La musique diffusée était la seule beauté dans cet espaces plein de fumée.

Tout en elle était figé, elle n’avait aucune sensation ni même une envie de rêver de ce qu’aurait pu être ce voyage qu’elle a fait, rien ne pourrait l’expliquer.

A dix heures du matin, elle plaça quelques billets pour les cafés qu’elle avait savourés. La bougie agonisait en soufflant ses dernières lueurs. Juste à coté, elle avait placé le livre qu’elle venait d’achever. C'était une histoire qui se terminait par un baiser et un amour pour l’éternité, ce n’était qu’un conte de fées.

Quand la cloche sonna ses douze coups, elle était enfoncée dans son siège, pour le voyage de retour.

.......

On s’entête parfois à faire des choses qui n’ont aucun sens, qui n’aboutissent à rien, on le sait, mais on les fait quand même. C’est peut être pour se prouver que certains bancs ont plus de charme quand ils sont vides, entourés simplement par le silence, ou par l’écho du silence…

lundi 20 août 2012

Adele - Promise This




Promets moi ça

Au début
Il n'y avait rien
De plus vide
Dans cet espace
Puis tu es arrivé
Tu as allumé les lumières
Et tu as crée
Ce qui allait arriver

Avant que je n'attache tes ailes
Couvre moi s'il te plait
Déploie tes ailes
Couvre moi et

Promets moi ça
Si je meurs avant de me réveiller oh
Promets moi ça
Prends le temps de dire ta gratitude
A genoux
Tu prieras pour moi
Promets moi ça
Promets moi que tu seras le dernier à m'embrasser
Alouette...

Même quand je marchais
A travers les ombres
Tu étais avec moi
Et tu m'as réconforté
Allonge moi maintenant
C'est le moment de dormir
Est-ce que tu me rétabliras?

Avant que je n'attache tes ailes
Couvre moi s'il te plait
Déploie tes ailes
Couvre moi

Alouette...

C'est là où nous nous accrochons
Et j'espère que tu ne m'abandonneras pas
Si tu me quittes un jour
Sache que je voudrai toujours te suivre

Alouette...

mardi 14 août 2012

Tunisienne, bribes d’une histoire

Elle est assise là, entourée par ses filles, leurs enfants et leurs petits enfants. Quelques années s’ajoutent à ses quatre-vingt ans, une longue vie d’évènements et d’émotions. Les rides et les ridules sillonnent son visage qui garde encore les traces d’une beauté que les années n’ont pas pu effacer. Ses yeux couleurs noisette et ses lèvres fines couleur de framboise portent milles et une histoire. Oui, c’est ma grand-mère maternelle.

Quand je la regarde, quand je l’entends parler de sa vie, ce n’est plus son histoire à elle, mais c’est l’histoire de la femme, d’une femme tunisienne qui a vécu la colonisation, l’indépendance et qui observe avec attention ce qui se passe dans son pays. C’est le combat d’une tunisienne, parfois silencieux, parfois muet et souvent des droits revendiqués avec acharnement.

Comment pourrais-je décrire en quelques lignes son histoire ? L’histoire de la femme tunisienne ? La spécificité de la femme tunisienne durant le dernier siècle ? Ça mérite des pages, des dizaines et des centaines de pages que je dois réduire dans un petit récit, et c’est pour cela que ça ne sera que des bribes d’une histoire. J’espère un jour exhausser son rêve et écrire son histoire, sa vie, ses joies et surtout ses souffrances de femme, dans un vrai livre.

Son histoire est parfois personnelle, mais c’est aussi l’histoire de toute une génération ou c’est une suite de générations de femmes qui ont vécu ce passage d’un état de presque soumission à une émancipation, à une liberté responsable avec le fardeau de toute une société qui a changé sans pour autant changer.

Orpheline de père depuis son jeune âge, prise en charge par son frère, elle n’a pas eu le droit aux bancs de l’école, ni à des enseignants à domicile pour lui apprendre les langues, la musique, les bonnes étiquettes comme sa mère ou sa grand-mère qui parlaient un français impeccable et jouaient au piano des symphonies mondiale. Elle n’a eu le droit qu’à des cours de broderie et de couture comme une fille de bonne famille. Pour fuir au despotisme de sa belle sœur, elle ne rêvait que de trouver son prince charmant qu’elle a choisi beau aux yeux couleur d’azur, c’était mon grand père qui avait dix huit ans à cette époque tandis qu’elle n’ pas dépassé les quinze printemps. Lui-même orphelin, mais éduqué à être l’homme de la famille, responsable de sa mère veuve à l’âge de trente ans, de son frère et maintenant d’une jeune épouse.

Mon grand père était l’exemple même du machisme masculin. Très conservateur, prétentieux, narcissique et tyrannique, et une épouse presque naïve, ou elle n’avait pas le choix que de l’être. Elle avait peur, de lui, de toute une société. Peur qu’il la quitte, ou qu’elle revienne divorcée à son frère, alors elle n’a trouvé que la soumission totale comme solution. C’était une époque où la femme n’avait pas le choix, l’humeur de son homme peut bouleverser toute sa vie, c’est lui le décideur, le maitre, et elle n’avait qu’à se plier à ses quatre volontés. On lui disait que tout les hommes sont comme ça, et que toute femme doit se plier à ce que le destin lui a choisi, elle n’a pas de mot à dire.

Une époque où la femme tunisienne n’a de rôle que d’être l’épouse, soutenir son mari sans discuter ce qu’il pourrait faire, un être de second degré, et c’était la peur, l’absence de droits qui la rendaient soumise à ce point. Elle aide, elle travaille à domicile, en broderie, à apprendre aux filles l’art de la couture et la confection de la dentelle traditionnelle, mais jamais elle ne bénéficiait du fruit de son labeur, et gare à elle si un jour elle ose cacher quelques sous pour elle. Son mari avait un oiseau qui la suivait et lui reportait tous ses faits et gestes. Elle rit maintenant quand elle évoque cette histoire d’oiseau, elle le guettait des yeux là où elle se déplaçait, où quand elle essayait d’enlever pour un moment le bout de papier qu’il a mis sur la serrure de la porte pour qu’elle puisse voir ce qui se passait à l’extérieur, mais rien ne lui échappait.

Des années sont passée, la guerre puis l’indépendance, entre temps, elle a perdu ses trois garçons très jeunes et n’a survécu que ses deux filles, une malédiction du destin… Les paroles de son beau frère résonnent encore dans sa tête, qu’elle bâtisse des châteaux, qu’elle investisse, la majeure partie sera pour lui, le frère, car elle n’a eu que des filles. Des mots qui lui ont fait mal, il n’y avait que les hommes qui ont tout le mérite, bien que ce soit grâce à elle, sa bonne gérance et son labeur que la richesse familiale est devenue importante. Mais elle n’avait aucune propriété à son nom, une femme ne peut rien posséder rien avec son mari, même si c’est elle qui finance l’achat.

Mais les choses ont changées, ses filles sont à l’école, et elle a apprit à écrire son prénom d’une écriture lente mais sure, c’était comme un signe de liberté, elle a maintenant sa signature personnelle. Elle est maintenant un être complet pas seulement l’ombre d’un homme.

Et elle est devenue plus sure d’elle. Son beau frère ne viendra pas prendre à ses filles leur héritage qu’elle a souffert pour le créer. Elle ne reviendra plus chez son frère avec deux filles en charge, si un jour mon grand père, sur un coup de tête décide de divorcer. Elle peut même annoncer sa jalousie, de chaque autre femme qui peut admirer les beaux yeux de mon grand père qui lui-même faisait les yeux doux, aucune autre femme ne pourra lui prendre sa place.

Grand-mère, avec ses quatre vingt ans dépassés, sait qu’avec des lois, on peut avoir des droits, une protection, une valeur, et une illusion d’égalité. Elle sait que ce sont ces lois qui lui ont permis de dépasser sa peur, d’avoir son mot à dire, de gérer ses biens et de bénéficier de son labeur. Elle sait que la souffrance et l’humiliation vécues souvent en silence ne doivent jamais revenir. Que la femme a en elle une force que ne possèdent pas les hommes, elle enfante, elle veille sur ses enfants et sur leur éducation, elle est responsable de la bonne marche de son foyer même si elle est femme au foyer… Des petites choses qu’on ne peut pas voir, mais en les accumulant, on sait que c’est sur le dos des femmes que toute une société avance.

Grand-mère avec son âge, sait que la femme d’aujourd’hui est encore plus battante. Qu’elle se force pour faire beaucoup mieux. Qu’elle est devenue cadre, enseignante, ouvrière, qu’elle se prend en charge sans pour autant négliger son rôle d’épouse, de mère, de sœur. Elle est ce mélange de force et de douceur. Elle ne laisse jamais ses responsabilités, elle les assume et elle en est fière de le faire. Qu’il fallait voir la femme, soit rurale ou citadine, elle est toujours rayonnante, battante sans lâcher prise, même si souvent elle est exploitée, au travail comme au foyer, et ces dépassements ce ne sont pas les lois qui vont les changer.

Grand-mère sait que ses petites filles, même avec tous les progrès techniques, sont fatiguées. Elles fournissent un effort énorme pour mériter leur statut de citoyenne libre et honorée. Que si les lois peuvent protéger les arrières, les mentalités ont encore besoin de beaucoup d’années pour changer. Alors les lois sont faites pour avancer, pour améliorer par pour régresser.

Grand-mère, sans quitter son sefséri en soie, ne souhaite jamais que les choses reviennent comme elles ont été, car elle sait ce que c’était. Mais elle insiste surtout sur le respect, c’est dans le respect qu’on peut tout changer. Mais cette fois, elle n’a plus peur, elle sait, et elle est sure même que la femme tunisienne est prête à tout faire pour ne pas perdre ses acquis et militer pour avoir d’autres droits en tant que citoyenne. Même si certaine disent vouloir faire revenir la femme des siècles en arrière, elles n’y arriveront jamais. Ma Tunisie ne fera jamais ce retour…