mercredi 14 mars 2012

Le dernier pont…



Du haut de sa falaise, sur ce sommet qui défiait cette profondeur d’une rivière de vie, il regardait son pont s’effondrer. Il ne savait pas s’il devait laisser filer une larme d’un œil d’homme qui ne devait pas pleurer, ou dessiner un sourire de soulagement.

Il resta clouer, là, sur ce point final, culminant, comme si la terre s’est arrêtée de tourner pour un moment.

Là, devant ses yeux, le vide à pris place, les dernières cordes et les derniers bouts de bois sont avalés et emportés par le courant qui coulait vers des lieux inconnus. Le pont s’est effondré, et c’était le dernier…

Il se recroquevillait sur cette roche qui a su défier le temps, regardait de l’autre coté de la vallée ou plutôt de ce fossé qui le séparait de son passé après que le dernier pont s’est effondré.

Il avait connu ce pont depuis des années, entre eux deux, s’est tracée une longue histoire de traversées. Il connaissait chaque marche, chaque nœud de liane auquel il s’agrippait, chaque bout de bois où il mettait ses pieds qui parfois couraient, et parfois hésitaient d’avancer.

Dans ses terres d’origine il a ouvert les yeux, il a connus ses bonheurs et ses peines cachées et même écrites et criées. Sur cette rive il a rêvé de bâtir un monde meilleur où le printemps durerai à jamais. Le jour où il a su qu’il a échoué, le jour où tout le monde lui répétait son échec qu’il ne voulait pas admettre ni accepter, ce jour là, il a pris pour la dernière fois son pont, ce passage vers une autre rive qui portait d’autre rêves ou peut être le fardeau d’un échec non assumé.

Ses premières traversées sont venues comme ça, non prémédités, sous le coup d’une peine non acceptée. A chacune de ses premières traversées, il coupait une partie de ce pont pour ne pas revenir aux terres qui l’ont blessé, aux terres qui n’ont pas su accepter ses rêves et ses folies parfois exagérées. Mais à chaque fois, il remarquait qu’il n’avait fait que défaire quelques nœuds, et qu’il pouvait quand le moment de colère s’apaisait et sa peine minimisée, retourner vers les terres qui l’ont poussé.

Il n’a jamais pu détruire ce pont, le seul chemin qui lui permettait de revenir à son nid d’enfant où il pouvait fermer les yeux en paix. Là où il avait toujours l’espoir que ses rêves et ses folies seront un jour compris et appréciés. A chaque fois, il remettait les nœuds défaits à leur place et revenait, pour être une autre fois expulsé et obligé de reprendre ce pont qu’il n’avait jamais eu le courage de briser.

A ce moment, il se rappela de cette histoire que son père lui racontait, l’histoire de cet homme qui a la main malade et qu'il devait amputer. Une main qui lui faisait si mal, qui lui pourrissait la vie en le privant de dormir ou même de pratiquer une vie normale. Parfois il la pressait sous des bouts de tissu qu’il serrait sur le lieu de mal, comme s'il voulait enfermer à jamais sa douleur, parfois il essayait d’oublier ne voyant que son autre main en bonne santé. Il savait qu’il devait s’en débarrasser, qu’il devait la couper pour pouvoir poursuivre sa vie.

A chaque fois où cet héros mythique tenait son couteau dans la main, il ne faisait que faire couler quelques gouttes de sang sans y arriver un jour à assumer ce qu'il voulait. Cette main qui le faisait souffrir lui criait à chaque occasion qu’entre elle et lui, ils ont échouée à faire un corps saint, mais il refusait de se faire raison, il refusait d’admettre que cette main ne faisait plus partie de lui.


Son père lui disait, comme finalité de cette histoire d’homme faible, têtu ou peut être avec un grain de folie, que personne ne pouvait seul se débarrasser de ce qu’il a de cher, que cet homme a préféré mourir que couper cette main qui est sienne, qui fait partie de lui. Que cet homme là aurait du demander à un autre qui n’a aucun lien avec cette main pour la couper, un proche ne le fera pas, comme le docteur qui trouve des difficultés à opérer un être proche au cœur…

Et encore devant ce qui était un pont, il se rappela qu'après une longue réflexion, après qu’il s’est rendu compte que jamais il n’y arriverait seul à laisser définitivement ses terres d’origine et couper le pont, il a demandé aux siens de le faire. Il les a même suppliés de le faire, de faire ce qu’il n’a pas réussi seul d’exécuter. De l’empêcher de se retourner à chaque fois, avec d’autres rêves et d’autres folies et de leur permettre de vivre en paix sans encaisser les séquelles de ce qu’ils pensent échouer.

Devant ce dernier pont effondré, devant ses débris emportés par le courant et engloutit sous l’eau, il reste sans voix, sans forces, sa tête repose sur ses mains cherchant dans le vide qui se présente à ses yeux une force pour se lever, tourner le dos et peut être avancer. Les sien ont une fois pour toute coupé tout lien qui jadis les réunissait, lui annonçant encore une fois qu’il a échoué et qu’il n’a plus de prendre la peine de réessayer, il ne changera jamais.


Et à ce moment là, devant ce dernier pont coupé, il ne savait plus s’il avait de la sorte coupé sa main qui lui faisait mal et que ses douleurs vont disparaitre à jamais, ou ce sont les siens qui se sont débarrassés de leur membre infecté qui n’est autre que lui-même avec ses rêves et ses folies qui leur empoisonnait la vie…

1 commentaire:

  1. Couper une main est toujours une perte pour le corps, il est plus favorable de la soigner et d'être patient jusqu'à se qu'elle se rétablisse et reprenne sa fonction comme avant.

    Par ailleurs n'est-il pas beaucoup plus favorable d'avoir le courage de se débarrasser soi même de ses maux sans avoir recourt à un étranger? L'étranger risque de donner plus mal.

    Bolle note illusion, à lire au sens premier et second et pourquoi pas plus profondément.
    Zied

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