vendredi 9 décembre 2011

Une histoire de drague



Jamais il ne pourra oublier cet épisode de sa vie. Le temps de sa jeunesse, le temps des idées simples, quand tous les rêves sont permis et quand l’avenir est orné de beaux rosiers que les épines ne peuvent jamais blesser. Le temps de liberté, sans engagements, sans soucies, quand il se permettait de rigoler, de plaisanter, et surtout de draguer.

Comparé à ses copains de l’époque, il n’était pas un grand dragueur, il était juste l’ami de tout le monde, et on l’enviait pour les belles filles qui aimaient sa compagnie, qui le cherchaient et riaient à ses blagues qu’il était le seul à savoir choisir et inventer. Dynamique, il parlait avec tout son corps, ses yeux, ses mains, sa tête, tout en lui créait l’animation, comme s’il voulait dire qu’il était là, présent, et pourquoi pas, qu’il était le meilleur. Mais au fond de lui, il enviait ses camarades qui vivaient une histoire de couple qu’il n’avait jamais connu même avec ses vingt ans dépassés. Ses camarades qui organisaient des sorties avec leurs copines, pour un café ou pour manger ensemble une pizza à deux, qui s’en foutaient de tout ce qui se passait autour d’eux pour apprécier leur joie à deux.

Quand il a commencé de regarder autour de lui, cherchant parmi ses amies celle qui pourra être sa petite amie, il a constaté qu’il les connaissait si bien au point qu’il n’y aura plus un charme particulier avec aucune d’elle. Alors, c’est en dehors de son petit cercle d’amie qu’il doit faire ses investigations, à son âge, la drague devient un besoin pour s’affirmer, pour s’annoncer comme un homme à part entière face à ses semblables. Et ce qui lui manquait, c’était juste un petit bout de courage.

A la fin de journée, en rentrant de la fac, il la revoit, c’est la copine de sa sœur, qui partageait avec eux le même wagon du train qui les mène chez eux, dans la banlieue sud de la capitale. Il la connaissait depuis déjà deux ans, ils s’échangeaient des banalités, mais il ne s’est jamais laissé aller avec elle. Ce jour là, elle commence à l’intéresser. Il s’attarde de plus en plus sur ses paroles, sur ses gestes, son calme et surtout son sourire, qui affleure légèrement ses lèvres en lui donnant un visage angélique.

De plus en plus, elle commence à l’intéresser, il s’efforce pour s’assoir à ses cotés, entamant n’importe quelle discussion pour l’entendre parler et pour allonger le trajet qui lui parait si court comparé à ce qu’il était. Sa façon de parler lui plaisait, et surtout sa façon de penser. Et toutes les filles qu’il connaissait deviennent banales et ne pouvaient pas l’égaler. Un jour, il a pris son courage, et d’une façon qu’il a voulue spontanée, il lui a proposé de déjeuner ensemble ou de boire un café. Elle lui répondait : « l’un de ces jours peut être, quand je pourrais me libérer ». De la sorte, elle a ouvert pour lui une porte d’espoir nouvelle à ses yeux.

L’un des lundis, les lundis magiques pour lui, où son père lui donnait son argent de poche, ses dix dinars qu’il doit gérer pour la semaine, et c’était pas mal pour lui, ses dépenses se limitait à un café dans la buvette du campus, une manche de billard, ou, s’il fait vraiment une folie, une pizza au thon au fastfood à coté de la fac qui lui coutait plus qu’un tiers de sa fortune. Le weekend, sa maman lui filait un dinar ou deux derrière le dos de son père pour une sortie avec les amis du quartier vu qu’il n’avait pas cours.

Ce lundi là, il était le premier à la gare, il l’a attendu, il voulait lui parler seul à seul pour insister sur son invitation qui recevait toujours la même réponse. Sa petite fortune en poche, le sourire aux lèvres et le regard charmeur, et elle n’a pas retardé à accepter. Ils se donnent rendez vous à midi devant le campus, mais elle a exigé de choisir le lieu pour qu’elle puisse être à son aise.

Rien ne pouvait décrire son état d’esprit cette matinée là, enfin il sortira pour la première fois seul avec une fille. Un peu tard comparé à ceux de son âge, mais enfin il a réussit.

Et midi arrive, il était déjà à son attente, et elle n’avait fait que quelques minutes de retard. Toujours sure d’elle, elle marchait lentement, et lui se maitrisait pour ne pas courir la joindre. En se dirigeant vers le petit resto pour étudiants juste à coté, elle lui a tenu le bras lui disant qu’elle connaissait un autre coin moins fréquenté où ils puissent déjeuner à l’aise. Au premier abord ça lui a énormément plu, surtout cette main qui a touché son bras pour une fraction de seconde, une main à la fois sure, ferme et douce qui lui a sonné la tête comme s’il a fumé une clope.

C’était un petit restaurant, chic comparé à son fastfood habituel, et il a cherché au fond de sa poche son argent en se disant, ça sera surement plus cher que ma pizza que j’ai programmé, j’ai bien mangé au petit déjeuner et je n’ai pas besoin de commander quoi que ce soit, alors tout va bien, l’essentiel qu’il soit avec elle. Il attendait ce moment depuis des mois déjà.

Voyant le menu, ses expressions ont changé, et quand elle a commandé, il n’arrivait plus à avaler sa salive, tous les mots qu’il a préparé, toutes les blagues qu’il a choisi, ont disparu et une seule chose le préoccupait, comment pourrait il faire un accord avec le serveur pour le payer plus tard. Elle a insisté qu’il commande lui-même, mais il n’avait aucune force pour mâcher quoi que ce soit. Une heure s’est passé, la plus lourde, la plus longue, la plus difficile qu’il n’a jamais vécu ou imaginé.

Quand l’heure du verdict est arrivée, et qu’il tenait le reçu dans la main, il a voulu disparaitre, il maudissait son ignorance et son manque de savoir faire. Il ne savait pas que dans certain lieu, un déjeuner peut dépasser le double ou même le triple de son argent de poche pour toute une semaine. Et il ne savait même pas comment aborder le serveur, et s’échapper à l’humiliation de sa vie.

A ce moment, elle approche, sortant de son sac à main des billets et en silence elle a réglé la facture et il n’a pas pu l’empêcher, ou même faire semblant de le faire. Pour la deuxième fois elle le pousse par le bras pour sortir en lui disant : « si tu es incapable d’assumer une histoire de drague, assumer ce qu’engendre une histoire de drague, pourquoi y aller ? On est si bien comme on est, on peut toujours parler et discuter sans besoin de gants, et les gants ne sont pas fait pour toi »

Depuis ce moment, ou plutôt depuis le moment où elle a mis la main sur son bras, il a su que cette jeune fille ne sera pas de passage dans sa vie.

PS : cette histoire de drague est inspirée d’une vraie rencontre qui a eu lieu depuis presque deux décennies… Comme le monde a changé depuis !!! Un diner ou une soirée dans une histoire de drague d’aujourd’hui peut dépasser de loin ce que touche un père de famille pour tout un mois !!!!! Est-ce nos filles qui sont devenues beaucoup plus exigeantes ou matérialistes ? Ou ce sont nos jeunes, et surtout ceux qui ont les moyens qui pensent qu’ils peuvent tout s’acheter avec leurs voitures, leur chéquier et leur laisser passer ?

Mais ces jeunes couples que je vois chaque jour se balader main dans la main au bord de la falaise, ou qui s’assoient sur les rochers les yeux dans les yeux, me rassurent que les choses simples n’ont pas encore disparues pour un soit disant luxe qui ne reflète pas vraiment le luxure des sentiments.

J’ai des pensées dépassées ou peut être arriérées ? Oui je le sais… Mais pour moi (qui aime le luxe et le confort par ailleurs :)) pense encore que rien ne vaut un moment de sincérité et un sentiment vrai, n’importe le lieu, ou le prix du café…

8 commentaires:

  1. les choses simples n’ont pas encore disparuesrien ne vaut un moment de sincérité et un sentiment vrai
    Ce sont les deux phrases que j'ai trop aimé.
    Hi Hitler

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  2. @ La hitlérienne :)
    tu me rassure ma chère que certaines valeurs ont encore de la valeur dans ce bas monde

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  3. Je lis, je m'identifie et j'attends à chaque instant de lire mon nom à la fin de l'histoire.

    Bravo, c'est trop réel ce que vous venez d'écrire.
    Zied

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  4. @ Zied
    Vous n'êtes pas le seul à avoir cette sensation, une telle histoire s'est répétée pas mal de fois avec quelques détails qui changent...

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  5. الحب لا يحتاج إلى المال قد تبدؤ قصة حب بفنجان شاي أو قطعة بيزا ولكن الزواج الذي هو النهاية الحتمية للحب في نظر الكثيرين وفي أحلامهم يحتاج للمال ليعيش الحب ولا يموت جوعا ومرضا وفاتورات وحسابات

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  6. حركات بسيطة في بعض الاحيان كفيلة باشعال شرارة حبّ قد يكون ابديّا دون اعتبار لا للمال و لا للسنّ ولا للمسافات... و المال ما هو الاّ جزء من ذلك الرباط بين الحلم و الواقع او ما هو مادّي بالاساس

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  7. vraiment,et si on'a de l'argent pour achete tous le monde ece que on peux achete un amour fidèle???

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    1. la fidélité ne s'achète pas, elle y est ou elle n'y est pas, et quand elle n'y est pas il n'est plus histoire d'amour...

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