samedi 11 juin 2011

L’allumeuse…


Comme chaque soir, elle franchit les portes de ce bar de luxe très fréquenté comme toutes les fins de semaine. Elle est moulée dans sa robe rouge rubis, qui mettait en valeur toutes les courbes de son corps, dessinant ses fesses rondes, sa poitrine saillante et dévoilant des épaules biens arrondies. Ses hauts talons aiguilles battaient le granite du parterre attirant des regards assoiffés guidés par son parfum fort qui emplissait la salle dépassant l’odeur du tabac. Elle s’installe sur sa chaise haute et commande son premier verre qu’elle boit d’un seul trait cherchant à trouver le courage ou l’audace pour commencer la tâche qui l’attendait.

Une couleur rose apparait sur ses joues déjà trop maquillées. Un sourire dessine ses lèvres pulpeuses tracées par un rouge vif bon marché qui a laissé ses traces sur le cristal de son verre déjà vide. Elle dresse les épaules, lève sa tête en ajustant une mèche de ses cheveux couleur de miel tenus en chignon derrière sa nuque avec un geste lent et provocateur. Elle fait le tour des tables avec son regard expert, évitant les tables où s’installaient des couples, avec eux ça ne dépasse jamais un regard d'admiration ou un sourire discret. Ses proies s’installent souvent seuls au bar et elle sait faire la différence entre ceux qui viennent boire un verre et partir et ceux qui se fuie et fuie leur réalité pour une sensation forte même s’ils sont certains que ce n’était qu’illusoire. Parmi ces derniers, elle cherche ceux que le portefeuille peut supporter toute une nuit avec des boissons couteuses et prêts à partager cette évasion d’une nuit avec une inconnue.

Elle sait qu’elle n’est qu’une fille de nuit, une fille de joie, mais quelle joie ? Cette joie qui l’a quitté depuis des années ? Ou les nuits qui ne se terminent jamais ? Elle ne faisait que fuir la joie dans la discrétion de ses nuits…

Elle a perdu depuis si longtemps sa joie de vivre, perdu son sourire qui se dessinait seul sans besoin de le forcer, perdu son dynamisme qui d’habitude la rendait comme un beau papillon aux reflets du printemps et de la beauté de ses couleurs ensoleillées. Elle a aussi perdu une spontanéité qui la caractérisait, qui laissait son cœur et son corps s’exprimer sans besoin de les freiner. Elle a perdu tout ça dans un moment où elle a découvert qu’elle n’était que cette allumeuse aux yeux de ceux qu’elle croyait tout son univers et toute sa vie, aux yeux qu’elle croyait la comprendre, quelle croyait l’aimer. Un moment de déception lourd, comme toutes ses déceptions...

Quelle douleur de se voir différente aux yeux d’un être cher. Quelle douleur de voir un visage, un reflet, qui n’est pas sien mais qu’on lui a donné malgré elle, le reflet d’une allumeuse qui n’est point différente des filles de la rue. Et le plus dur, c'est que ça vient dans un moment de sincérité...

Et depuis, elle a décidé de l’être, chaque soir, quand tout envi de vie l’emmène à ce bar, exercer son boulot, pour un verre ou deux gratuit, pour une danse, une chanson, un rire qui n’a jamais dépassé les limites de ses lèvres.

Son charme, l’étincellement de ses yeux sous l’effet d’un verre bu à la hâte, ses gestes gracieux, son intelligence, la mettaient toujours en bonne compagnie. Elle passe une partie de la nuit à boire, à bavarder, à charmer, à faire l’idiote pour faire croire à son partenaire qu’il a déniché la plus rare des perles et qu’il est le plus intelligent ou le plus chanceux. Quand c’est prémédité, quand elle ne fait que manipuler, quand c’est des gestes bien étudiés et préparés, c’est toujours réussi. C’est bien le boulot d’une allumeuse…

Mais, ne se fait-elle pas croire qu’elle peut encore plaire ? Qu’elle peut encore charmer et avoir de l’effet ? N’essaye-t-elle pas de fuir d’elle-même et fuir le mal qui se creuse au fond d’elle, qu’elle seule sentait, et savait bien le cacher derrière un masque de gaité?

Une allumeuse elle est, ou elle a décidé de l’être. Personne ne pourra lui échapper ou même lui résister, une experte elle est…

Une allumeuse, c’est son identité, une fonction qu’elle à choisi d’exercer, et dans tout ce qu’elle fait, elle a l’habitude de toujours exceller…

Une allumeuse elle est classée, car aucun sentiment n’émanait de son intérieur, de son cœur et c’est sans aucun plaisir il était fait, c'était juste un jeu…

Une allumeuse elle est considérée, car on sait qu’il faut la payer pour tout ce qu’elle fait, un verre ou même un regard doux et charmé lui suffisait…

Juste une allumeuse elle est, elle ne fait qu’éveiller, des désirs refoulés, et prendre la fuite avant qu’une main ne puisse sur elle se poser…

Une faible elle est, mais elle ne veut jamais l'admettre ou le montrer. L'alcool seul la fait libérer. Une grande tristesse couverte de trop de bonté, en larmes est extériorisée. Une seule espérance, un seul rêve elle avait, sentir un jour qu'elle est vraiment aimée, et vivre enfin en paix...

2 commentaires:

  1. Ce qui nous forge , nous façonne est un ensemble de facteurs plus notre nature et prédispositions bien sur,mais Sur le chemin de notre route on laisse souvent une part de nous, après une déception,une blessure on est jamais les mêmes....
    et c'est la vie tout simplement!
    Jean- paul sartre a dit: " Nous sommes ce que nous faisons de ce que l'on a voulu faire de nous"

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  2. @ Rosa
    Ravie de vous voir passer et commenter;
    Très belle citation de Sartre qui résume presque tout...

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