
C’est une jeune fille de 20 ans, belle, d’une famille très conservatrice dans un milieu presque rural où tout le monde se connait.
Il y a deux ans, elle allait visiter ses grands parents qui habitaient à une heure de route de chez elle, elle devait passer par des champs le long de presque un kilomètre, un trajet qu’elle faisait souvent. En route, elle a croisé un parent lointain qu’elle considérait comme un oncle, vu son âge qui est plus du double du sien et les relations qu’il avait avec son père ainsi que toute sa famille. Après les salutations habituelles, et profitant d’un passage entre les buissons, le comportement de cet « oncle » a changé, il l’a tenu avec force, l’embrassant et essayant de la déshabiller. La différence de taille, d’âge et de force lui a permis de lui ôter la majeure partie de ses habits et de s’allonger sur elle jusqu’à sa jouissance sans tenir compte de ses cris ou ses larmes qui le suppliaient de la libérer .
Elle s’est levée, mis en ordre son voile et ses habits et d’un pas lourd elle rentre chez elle dans un état lamentable. La première chose qu’elle a faite était de tout raconter à sa mère. La mère s’est mise en colère contre sa fille, la tenant responsable de son déshonneur et du déshonneur de la famille. Elle l’a même accusée de provoquer elle-même ce qui s’est passé. Et la victime s’est transformée tout de suite en accusée ou même la seule coupable. Dans un acte de viol, avec la mentalité de cette région isolée de toute civilisation, plantée entre les champs et les oliviers, la femme ou la jeune fille doit savoir de toutes les manières se défendre et ne pas provoquer un viol ou même une tentative. (mais est ce que c'est si différent ailleurs?)
Quelques jours après, sa mère et une de ses tantes, l’emmènent chez un gynécologue, ce qui compte, c’est de savoir si elle a perdu son hymen à la suite de ce qui est arrivé. Le médecin les rassure, elle est intacte, et c’est l’essentiel. Son état moral, ce qu’elle pense ou ce qu’elle peut endurer ou même les séquelles psychologiques n’ont aucune importance.
Le sujet est clos, personne ne doit savoir cette histoire hors ce petit cercle fermé et surtout pas le père qui risque de tuer sa fille s’il l’apprend et peut être agressé l’agresseur. La fille, seule, a su dépasser l’évènement, peut être le rapport positif du médecin l’a aidé, ou c’est son agresseur qui l’évitait et évitait tout son entourage qui lui évitait de trop penser à ce qui s’est passé.
Deux ans sont passés maintenant, elle a connu un jeune homme lors d’une fête, c’est dans ces lieux qui les couples se forment, et que les liaisons se nouent. Ce jeune homme terminait ses études en France et c’est à travers les coups de téléphone et le fameux skype que leur relation a évolué pour passer à une relation plus sérieuse qui va s’officialiser dès son retour au bled.
Cette tournure l’a mise dans un état délicat. L'histoire qui datait de plus de deux ans déjà refait surface dans ses pensées.
N’a-t-il pas le droit de savoir ce qui s’est passé ?
Quelle sera sa réaction ?
L’acceptera-t-il ?
Risque-t-elle cette relation et son avenir pour une histoire qui l’a touchée sans la toucher ?
Si elle garde pour elle son secret, ne risque-t-il pas de le savoir l’un de ces jours ?
Supportera-t-elle seule le poids de ce secret, elle qui lui a promis de ne rien lui cacher ?
Lui dire ou ne rien lui dire, une question à laquelle elle n’a pas trouvé de réponse. Toutes les possibilités peuvent aboutir à des situations non confortables pour les deux.
Alors, est ce qu’elle doit lui dire et assumer les conséquences, et gagner la paix vis à vis d’elle-même, même si elle risque de le perdre ou d’être à sa merci tout le long de sa vie car elle aura cette sensation qu’il lui a pardonné une situation qu’elle n’en est pas responsable.
Ou garder cette histoire pour elle, mais elle se sentira malhonnête envers lui et elle aura toujours la peur qu’il l’apprenne l’un de ces jours, et là il ne lui pardonnera plus jamais.
Si sa propre mère l’a considéré comme seule coupable, quelle sera la vision de l’homme qui dit l’aimer, ou celle de toute une société ? Une fille violée, ou qui a subit un viol même s’il n’a pas aboutit, doit porter ce fardeau toute sa vie dans tous les cas, c’est ça notre société….