lundi 7 juin 2010

Sur la marge de la vie…



C’est mon histoire, de la façon que je la vis et que je la sens. Je ne sais pas quel qualificatif me donner, suis-je un homosexuel, un gay, un pédé… ? Mais je préfère dire que je suis depuis mon jeune âge plus affiné que mes copains de classe, maintenant j’ai des tendances et des préférences différentes de la plupart.

Je suis un jeune « homme » qui n’a pas dépassé ses trente printemps !!! Un âge où plusieurs le vivent pleinement, ou commencent à découvrir la vie. Moi j’ai vécu tellement de peines et de frustrations que je pense que c’est largement suffisant ces trente années pour une vie.

Le jour de ma naissance, c’était la grande fête, l’arrivée du premier mâle après deux filles qui ne pouvaient pas être la fierté de leur père et ne garderont pas le nom de cette famille qui n’a de grand que cette centaine d’oliviers que ma grand-mère paternelle considère comme une fortune personnelle de son fils unique.

Pour ma mère, j’étais l’espoir d’une vie meilleure. Mon arrivée aurait pu arrêter les insultes de sa belle-mère, les nuits arrosées de son homme et sa violence quotidienne. Mais, rien n’a changé, même après l’arrivée de deux autres mâles dans la famille en plus d’une sœur.

J’étais le gâté de tout le monde, j’obtenais toujours ce que je demandais, mes désirs étaient des ordres. J’étais aussi le protégé, de peur d’une vengeance d’une mère privée de la vue de son fils ainé. Une éducation qui à leurs yeux allait engendrer l’homme que je devais être à l’avenir.

Un jour, en rentrant de l’école, maman ramassait ses affaires. Ma grand-mère insultait les policiers qui essayaient de l’éloigner et de la faire taire. Mon père était assis loin, une bouteille à odeur désagréable, couverte d’un journal mouillé par sa sueur, il l’approchait de sa bouche pour prendre de longue gorgée du liquide rouge qu’elle contenait et qui coulait sur sa barbe qu’il négligeait toujours de raser.

Mes parents avaient divorcé, partagé leurs biens ainsi que le troupeau d’enfants qu’on était, et je faisais partie de la part de mon père ainsi qu’un frère et ma sœur ainée. La famille était divisée en deux, aucun camp n’était en contact avec l’autre, la rupture était totale.

Après quelques années, mon père ne supportait plus ma façon d’être. Il exige que je coupe mes cheveux longs et que je devienne homme. Pour les cheveux, je pouvais le faire, mais pour le reste, difficile de changer.

J’étais comme ça, un choix ou une fatalité ? Je ne savais pas. J’ai quitté la maison pour survoler par mes propres ailes, et ce n’était pas si facile.

Avec mon diplôme, je n’avais rien trouvé, sauf un poste dans un centre d’appel qui prenait une majeure partie de mes journées et parfois de mes nuits. Un salaire qui me permettait de juste survivre. Aucun lien avec ma famille, sauf un petit frère que je n’ai jamais vu et que j’aide financièrement pour qu’il puisse terminer ses études universitaires. Quelques amies avec qui je passais des bons moments à rigoler ou parler de nos problèmes…

Malgré que j’aie repris contact avec ma mère et surtout mon frère, ça reste juste par téléphone. J’ai peur de leur réaction et peut être de leur refus. Je ne peux jamais oublier les insultes de mon père quand j’ai quitté la maison. Ou le regard de dégout dans les yeux de mon frère et ma sœur qui a même oublié de m’inviter à son mariage et qui change de route si elle me croise avec l’une de ses connaissances.

Je me sens toujours si solitaire, Une vie intime à plat. Ceux qui sont dans mon cas sont divisés en deux catégories. Ceux qui s’offrent à n’importe qui, n’importe où, n’importe comment, et ceux d’une certaine classe, d’un certain niveau intellectuel, qui fréquentent les lieux chics, qui vivent en couple ou même en groupe, mais en harmonie totale, hélas je n’ai ni les moyens ni le profil pour pouvoir les suivre.

Un jour, j’ai pu décrocher un contrat de travail à l’étranger. J’ai cru trouver enfin un espoir dans une autre vie où je pourrais être accepté comme je suis et réaliser quelques-uns de mes rêves sans besoins de me cacher.

Hélas, ma demande de visa est refusée. J’ai accroché une corde pour mettre fin à mes jours. Je ne voyais que cette solution. Et il faudra des jours pour découvrir mon corps suspendu du toit.

Pour faire ce pas, il fallait que je sois fort, courageux. Moi qui n’ai pas trouvé la force pour m’accepter, pour m’apprécier, pour assumer ma vie, mes choix, mes tendances… Alors, je ne trouverai jamais la force pour passer ma tête dans le nœud de cette corde suspendu que je regarde sans bouger depuis des heures.

Le soir venu, je me change et je me trouve comme d’habitude sur la route vers ce centre d’appel, où je peux me cacher des autres et surtout de moi-même pendant quelques heures puis rentrer pour encore dormir le restant de la journée.

C’est ma vie, la vie d’un jeune dans un pays où on n’accepte pas l’autre quand il ne suit pas les normes tracées, et le pire quand on ne lui laisse pas le droit ou la chance de s’aimer et de s’accepter comme il est.

7 commentaires:

  1. "Etre accepté comme je suis" et surtout s'accepter tel qu'on est, chose qui n'est pas facile parce que le regard de l'autre est flingueur souvent.
    Si seulement on nous apprenait depuis notre tendre enfance à nous accepter tels que nous sommes avec nos différences, en utilisant nos forces à bon escient, en reconnaissant nos faiblesses pour mieux les maîtriser, le regard de l'autre nous affectera très peu, nous savons réellement qui on est, on n'a pas besoin de la reconnaissance de l'autre !
    Bakhta

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  2. très touchant comme histoire. ben, il faut s'accepter sois même avant de chercher l'acceptation des autres. ce n'est pas question de sexualité; on peut être hétéro et souffrir lorsque notre bonheur dépendra de la bénédiction des autres. il ne faut pas toujours chercher à ravir tout le monde ou être le plus possible d'accord avec eux. c'est impossible de faire plaisir à tout le monde, alors tentons de s'apprécier nous même tout d'abord, c'est un bon départ je pense:p

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  3. J'ai lu et relu, finalement il n'a aucun problème avec la société, juste avec sa demi-famille paternelle, mais il généralise hâtivement sur la conclusion.
    On est d'accord qu'il est issu d'une famille assez instable, qu'il trouve un moyen assez instable aussi pour gagner sa vie, mais aprés, il a fait quoi ? la corde au cou ?
    Cette manière de baisser les bras me choque et j'essaie d'extrapoler : il n'a pas pu se trouver dans un couple parcequ'il a peur d'être jugé ? parcequ'il pense que son cas est trop grave ? parcequ'il a des préjugés sur la société ? mais il faut faire face, des homos il y'en a, et même si le terme est péjoratif les pds vivent bien entre nous, dans l'ombres certes, mais vivent !
    Maintenant chercher à être accepté par la société c'est une autre paire de manche qui n'a rien à voir avec l'orientation sexuelle, notre société est un vrai melting pot, qui n'accepte finalement personne.
    En aucune ligne je n'ai dit que c'était facile, il faudrait qu'il assume ce qu'il est, et chercher le meilleur cadre avec les moyens de bord pour s'épanouïr.

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  4. @ Bakhta
    "on n'a pas besoin de la reconnaissance de l'autre" Facile à dire mais pas si évident à vivre. Chacun a besoin, même pour un moment, de se voir dans les yeux de l'autre...

    @ Bella
    Se sentir mal dans sa peau n'est pas lié au penchant sexuel, c'est à l'échelle humaine.

    @ Gar
    Merci Gar ;)
    Il n'est pas en couple c'est parce qu'il n'a pas encore trouvé la personne qui lui convient, et il n'est pas le seul, sans rapport avec l'orientation sexuelle.
    C'est surtout la sensation de frustration et d'instabilité que vivent une majeure partie de nos jeunes vis à vis d'eux même et de la société.

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  5. On devrait bien se voir dans les yeux de ceux qu'on aime et qui nous aiment seulement, le regard des autres, illusions, n'est que passager, il importe peu, du moins ce que je pense. Facile à dire certes et pas évident mais facile à enseigner également et très tôt le mieux.
    Bakhta

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  6. Plusieurs problèmes à la fois qui ont généré de la frustration et du dégout pour la vie mais il faut être vraiment fort pour leur faire face sans compter sur les autres sauf sur soi-même.

    L'homosexualité rend les choses plus difficiles avec une société en ébullition qui n'arrive pas encore à se stabiliser ... et là, il n'a pas le choix que de vivre caché.

    Cela n'empêche qu'il doit se définir, s'assumer, établir ses choix et vivre la vie qu'il doit choisir avec les moyens de bord et ce qu'il peut s'offrir.

    Merci Illusion pour avoir partagée cette histoire touchante avec nous

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  7. @ Bakhta
    Le regard des autres ne gène pas cette jeune personne, mais surtout le peur du regard d'un proche qu'il aime et qu'il ne veut pas décevoir, le regard d'une mère et d'un frère qu'il fuit ou retarde car il ne peut pas cacher ce qu'il est...

    @ Tèm
    Le problème est qu'il y a des choses difficile à cacher, surtout être femme dans un corps d'un homme.
    Cette histoire m'a vraiment touché ce qui m'a donné l'envie de la partager.
    Bienvenu Tèm et avec grand plaisir.

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