Quand ces
mots sortent des lèvres d’un enfant de sept ans, ils ont un autre sens, un sens
non commun qui nous laisse bouche bée.
Oui, c’est
un enfant de sept ans, bien encadré par ses parents et ses grand parents, un
enfants intelligent, très curieux et ouvert d’esprit pour un garçon de son âge.
Un enfant
qui vient juste de perdre son père après une longue lutte contre le cancer – la
maladie qu’on n’ose pas parfois prononcer le nom- qui a duré des années
déchirées entre un espoir et un désespoir.
L’année
dernière il a eu un frère que le destin a voulu trisomique. Une association de
mal chance ? Une punition divine ? Des tests que la vie infligent aux
commun des mortels sans pouvoir déchiffrer ni les causes ni les finalités ?
Un enfant « fort »,
ou c’est ce qu’il essaye de prouver, devenu à sept ans « l’homme » de
la maison comme on le lui répétait, « responsable » de sa maman et de
son petit frère.
En deuil,
personne ne l’a vu pleurer ou même verser une larme en silence, mais il passait
des dizaines de minutes à pleurer en cachette dans les toilettes et ne sortir
qu’après avoir bien essuyé les yeux pour maintenir cette image de force qu’il
voulait garder face à ces inconnus qui passaient par leur maison pour soit
disant le consoler ainsi que sa famille. Mais lui refusait de les voir ou de
leur parler.
Face à ces
condoléances incessantes sans aucun sens il a déclaré :
« Pour
moi, dieu n’existe pas.
Pourquoi il a choisi mon père pour le prendre à ses côtés ?
Mon père était jeune, plein de vie, si gentil, admiré par tout son entourage
proche et lointain. En plus il est responsable de notre famille, en plus, il a
beaucoup lutté, par tous les moyens, contre sa maladie.
A la
naissance de mon frère, et en découvrant qu’il est trisomique, je me suis dit
que peut être dieu a voulu épargner mon père en infligeant la souffrance à mon
frère. Je croyais que ça serait injuste d’infliger la douleur et la maladie à
deux membres de la même famille. J’ai pour un moment cru que c’est mon petit
frère qui va porter la malédiction et que mon père va guérir, mais rien de cela
ne s’est passé… C’était un acte de pur sadisme divin…
En hivers,
quand il pleuvait et faisait un froid glacial, j’ai vu ma grand-mère sortir au
balcon, elle, qui avait le corps fragile. Je la voyais lever les mains vers le
ciel, les larmes coulaient sur ses joues, le visage fatigué d’une maman touchée
en ce qui lui est le plus cher, son fils unique… Et elle priait pour que son
fils soit épargné, qu’il guérisse, qu’il puisse vivre pour lui et pour sa
petite famille qui avait tant besoin de lui. Elle voulait même offrir ce qui
lui restait à vivre à son enfant.
Ma mère
faisait de même, tout le monde la voyait sourire et remonter la morale. Elle
avait l’espoir que tout ira vers le mieux, que dieu saura exhausser leurs
prières surtout qu’ils n’ont rien épargné pour que mon père reprenne ses forces
et sa bonne santé.
Moi-même j’ai
prié, j’étais un enfant sage, obéissant. Ne m’a-t-on pas dit que dieu écoute
les prières des enfants, et surtout des enfants sages ? Mais ce n’était
pas vrai, tout n’était que mensonges.
On m’a dit
aussi que dieu ne faisait rien sans une bonne raison, et qu’un bon croyant doit
trouver cette bonne raison et accepter sa volonté. Mais j’ai bien cherché, et je
n’ai rien trouvé de bien.
Où est le
bien en privant ma grand-mère de son fils unique et lui ôter toutes les joies
et les raisons de vivre ?
Où est le
bien en faisant souffrir mon père qui a à peine dépasser la trentaine et qui n’a
fait du mal à personne puis le priver de la vie ?
Où est le
bien en nous laissant moi et mon frère malade orphelins, seuls, sans père et
faire souffrir maman ?
De quel dieu
parle-t-on s’il nous a écoutés tous prier, supplier sans nous écouter ou
atténuer tout ce mal qui est tombé sur ma famille ? Alors, moi, malgré mes
sept ans, et après avoir bien réfléchit, je déclare que la seule vérité à
laquelle je crois, c’est qu’il n’y a pas de dieu et que je dois seulement
compter sur moi-même et ma famille pour pouvoir continuer cette vie d’injustice.
Et je prouverais à ce dieu qui n’existe pas que je pourrais seul réussir bien
que ma réussite ne ravira plus personne, car il n’y aura plus de joie dans nos cœurs… »